Est-ce parce que j'ai "fait" la maladie avec elle, parce qu'elle était implicite dans notre quotidien, un état partagé, une communauté d'horreur, une réalité allusive dont il n'y avait pas vraiment à faire état, pendant cette période, le véritable oubli je l'ai trouvé en enfermant son corps lisse, si menu qu'on aurait dit celui d'un enfant dans mes bras, en recherchant le parfum boisé de son cou. Tout était fin en elle depuis ses lèvres tendues dans ses baisers aigus, cette oreille lobée comme une dentelle dont la pointe de ma langue exaltait les contours, ses mains nerveuses, ses doigts agiles, sa hanche ouverte au détour de sa taille, ses petits pieds toujours froids. Elle m'a appris l'amour avec la patience du sien. Elle m'a rompu au désir, elle s'est acharnée à ma jouissance, elle a triomphé de ma peur, elle a fait jaillir ma folie et l'a portée au dedans d'elle et aujourd'hui, c'est ce qu'elle paie, son ventre aimé puis délaissé, c'est ce qui germe en elle, cette semence d’irraisonnable que j'ai enfoui dans les couloirs obscurs, veloutés, acides de sa chair de femme à la fois fragile et battante, ce sperme laiteux, porteur de rêve et de démence. Elle a tout fait pour moi, elle s'est pliée à tout, à l'absurde, à l'inutile, rien que pour faire sourdre en moi les plus profonds éclatements de ma volupté. Elle ne s'est étonnée de rien. Ecartelée sur l'autel fou de mes fantasmes, elle a joué les rôles multiples, transcendants, féroces dans leur concept, redoutables s'ils n'avaient pas appartenu à la fiction des mises en scène.