Le lendemain, la terre arrive enfin ; mince ligne d’abord à l’horizon, elle se précise. La montagne noire grandit à mesure qu’on approche, le pic de Teide, volcan majestueux, se dessine comme un triangle sombre dans le bleu dense du ciel. Le Copacabana fait escale à Santa Cruz de Tenerife. L’approche est longue et précise, le paquebot arrive en rade du port où un remorqueur l’amène à quai.

Une visite de l’île est organisée en car pour les passagers. Les enfants veulent s’installer tout derrière, pour être tous ensemble. Ce besoin d’être ensemble, qu’ils ont ! Ils se surveillent, les uns, les autres, pour ne pas se perdre, toujours être sûr qu’un autre est là, près de soi, et qu’un autre est plus loin mais pas très loin. Emma les compte, un, deux, trois, quatre et Pierrot qu’elle a toujours auprès d’elle. Dans le car, ils chahutent un peu. « Chut ! Doucement, les enfants ! » puis quand on sort du car pour admirer un panorama sur la mer, ces côtes de sables noirs sur l’ourlet blanc des vagues, ils s’égaillent mais se rassemblent aussitôt. « Attention ! » Marc se penche sur le vide. « Attention ! » Marc sait bien qu’il faut faire attention, c’est Emma qui a peur, peur qu’ils se blessent, peur qu’ils tombent, peur qu’ils se perdent, peur, toujours peur... C’est Emma, cette peur et pourtant elle est là, dans un long voyage, elle contemple un panorama grandiose sur les flancs du pic de Teide, avec ses cinq enfants à ses flancs à elle, petite jeune femme de trente-quatre ans, vaillante et perdue.